Suite de la série commencée avec Zef. Au collège, musique obligatoire mais matière à très faible coefficient. Quel dommage ! Comme j’ai fait l’andouille au lieu de… La prof de musique était une locale des montagnes, Madame Tyrode dont je salue la mémoire avec respect. Ancienne artiste, mère d’artiste, elle avait définitivement basculé dans le non-conformisme. Ou l’extrême distraction. Les deux sans doute. Madame T. avait des chapeaux cabossés mais à voilette, des cheveux rouges en vrac ; elle était – pour nous – âgée, mais tellement insolite dans le paysage assez conformiste de l’époque qu’à la fois elle nous fascinait et nous faisait hurler de rire. Pour une fois pas de méchanceté de la part des élèves, juste une intense rigolade s’étalant sur plusieurs années… et tant de choses à raconter en rentrant à la maison ! Nous avions des livres de solfège et la série « Histoire de la musique » que Papa avait faite relier, couverture cartonnée gris clair, passant de l’un à l’autre sans discontinuer. Vous souvenez-vous de la bonne odeur des livres juste avant la rentrée ?
Les cours avaient lieu dans l’aile de l’école nationale la plus proche de la conciergerie. Par les fenêtres on voyait le stade où s’agitaient d’autres classes, les garçons en short, les filles en bloomer. Le bloomer ne fut égalé en horreur que par le maillot de bain en laine tricotée. Il faudra que je vous en parle, je suis sûre que ça ne vous dit rien !
Les jambes maigrelettes de Madame T. portaient des bas qui tirebouchonnaient à qui mieux mieux, bas quasiment toujours de couleur différente. Ce fut et cela reste un grand mystère : nous passions un temps infini à observer. Une semaine elle avait un bas gauche ivoire, un bas droit noir. La semaine suivante, elle pouvait fort bien porter un bas gauche noir et un bas droit ivoire. Mais étaient-ce des bas issus de la même paire ? Les inversait-elle ? Avait-elle des bas pour pied gauche et des bas pour pied droit ? Un jour nous la vîmes arriver avec un bas noir et une socquette jaune vif (je sais que le mot socquette ne sert plus mais voyez-vous, chaussette et socquette, ça n’est pas du tout la même chose ! De même que nu-pied et spartiate, mais nous y reviendrons !).
Ma copine Marie-Claire était bonne en solfège, j’aimais bien chanter. Nous nous étions réparti les rôles : je pompais sur sa feuille pour les dictées musicales que je haïssais, elle faisait semblant de chanter à mes côtés. Je m’époumonais pour deux. C’était bien. J’étais avec les garçons, dans le groupe des basses. Sans rire !
J’ai eu musique avec la Mère Tyrode pendant environ 4 ans. Pendant environ 4 ans, elle m’a appelée Paul avec une belle constance. Je ne me souviens plus du tout si elle appelait mes copains copines du prénom de leur frère ou de leur soeur aîné(e), sans doute. Après avoir avec vigueur essayé d’imposer mon prénom à moi, je renonçais avec d’autant plus de plaisir qu’elle me notait comme si j’étais Paul. Je ne vous dis pas ma moyenne en musique… Je relevais du petit génie pour relativement peu d’efforts !
Madame Tyrode, où que vous soyiez, je vous embrasse tendrement. Après vous, nous eûmes pendant un an un étudiant anglais fou qui nous fit découvrir les vertus du magnétophone en nous diffusant à longueur de cours le son amplifié d’un morceau de sucre qui fond dans le café (qu’il buvait ensuite) ou le bzzz de la mouche au plafond.
Je ne me souviens plus de nos notes. Comment rivaliser avec une mouche, fut-elle britannique ?
J’adore tes récits… On s’y croit, mais en même temps ça paraît loin, très loin, géographiquement d’abord, et par l’originalité des profs ensuite, uniques et décalés… Continue ces souvenirs, c’est super !
c’est un beau souvenir! bisous
Merci chers lecteurs, merci. Oui je vais continuer car, même s’il n’y a pas trop de nostalgie, j’ai effectivement l’impression de raconter un monde englouti. Ca fait quand même étrange…
Bonjour,
Aurais je un lien de parenté avec cette fabuleuse personne ?
pourriez vous s’il vous plait me communiquer tout ce que vous savez sur elle.
joli recit que vous faites c’est un vrai bonheur de vous lire.
En ce 10 janvier 2010 permettez moi de vous souhaiter la plus merveilleuse année de votre vie jusqu’à ….l’an prochain.
j’adresse également ce voeux à toutes et à tous qui liront ce message.
cordialement
pierre
Quelle jolie surprise ! Merci de vos voeux et revenez nous voir de temps en temps ! Je vous réponds plus en détail par email séparé. Belle journée ! Hélène Berthou
Un souvenir de cette pauvre Madame TYRODE. C’était le jour de la distribution des prix, en fin d’année scolaire. Elle était perchée sur un petit promontoire dans la cour et battait la mesure. Tout d’un coup, patatras, Madame TYRODE est tombée et ne pouvait se relever. Elle a été emmenée à la clinique et nous n’avions appris qu’à la rentrée qu’elle s’était cassé le pied ou la jambe je ne sais plus.