Dès la classe de sixième je plongeai avec délices dans « les langues étrangères », l’anglais me ravit instantanément. Puis en quatrième vint le choix de la seconde langue. L’expérience seconde langue allemand ayant rapidement tourné court pour cause de prof fêlé j’attaquai avec les même délices l’italien avec « la cavalla » (la jument, pov’ prof) puis « Romeo » (zéro pour l’imagination…).
Mais entre les deux classes, dès la cinquième, nous eûmes l’immense honneur de nous voir proposer des correspondants et de coller à la langue des timbres de collec’ sur les enveloppes destinées aux corres’. Des corres’, j’en eus deux cette année-là, une néo-zélandaise de mon âge, vivant à Dunedin et dont les lettres et les photos m’épatèrent, elle allait à l’école à cheval. Remarquez qu’elle eut la même réaction à ma description du trajet d’hiver en luge…
Et puis j’eus un corres’ en langue française, Richard Molu M’Fouapon, camerounais plus âgé que moi. Prolifique et lyrique en diable, il écrivait beaucoup, décrivait sa vie pour moi parfaitement romantique à l’époque d’énième enfant de la énième femme de son papa très âgé, joignait à chaque lettre une petite photo de lui-même, sourire ravageur et petit bonnet brodé, photo dédicacée « moi et Douala », « moi et l’école »… Nous avions un planisphère et j’avais collé un bouton piqué à ma mère sur le rond de Douala.
« La Mémée » (ma grand-mère maternelle, ma complice), qui passait les mois d’hiver chez nous (*) était la première à partager les nouvelles et je vous jure qu’elle se régalait. Tout juste si elle ne se précipitait pas pour ouvrir les enveloppes chargées de timbres colorés avant moi, non mais !
La fois où Molu commença sa lettre par « Honorée correspondante, le chaud soleil du matin se lève sur Douala, le Wouri s’écoule avec lenteur et mon coeur vibre pour toi… », La Mémée décida de ne plus l’appeler que « ton fiancé » en s’adressant à moi avec un sourire en coin et l’oeil taquin. Le groupuscule des frères narquois s’engouffra dans la brèche ; ils me martyrisèrent (si !) de plus belle.
Plus intéressée à l’époque par les promenades en vélo et les jeux en plein air que par les choses du coeur, ne fussent-elles que littéraires, je mis bientôt un frein à ces échanges torrides unilatéraux mais n’oubliai jamais celui que j’avais, à 13/14 ans, séduit à distance ! Première étoile à mon fuselage :o)
(*) Bizarre quand même ! Habiter l’Ardèche radieuse et passer chaque année 4 mois d’hiver sévère en montagne…
Le chaud soleil du matin se lève sur S…
Tiens tiens ! Un Molu des Yvelines :o)))))
Les cours d’Italien, les fou-rires. Je me souviens aussi de « la cavalla »
une phrase me revient : « la cavalla a dondolo che dondola »
OUiiiii !!!! Et puis « i promesso sposi » de Manzoni puis un poème de Leopardi, te souviens-tu ? « La donzelletta vien dalla campagna in sul calar del sole »…. Quelle chouette époque : La cavalla, Romeo, les copines, les copains, ravie de te retrouver là Joëlle !