Tonton Manu était placier/poids public, la maison a disparu, elle était verrue sur le pied du château mais pour nous, quelle merveilleuse verrue ce fut ! Vous pensez : les murs du fond étaient du XIVe !!! Ou du Xe. Ou gallo-romains ? Vieux donc. Quoi qu’il en soit, on entendait encore les longs cris de douleur des prisonniers des basses-fosses. Je vous dis qu’on les entendait. Point barre.
Placier : pour le marché central, pour la foire aux oignons, pour la vogue, etc… Il suffisait de dire « j’suis la nièce de Tonton Manu », sa gentillesse, un vrai sésame.
Poids public : pendant que Tonton Manu plaçait ou faisait ses écritures à la Mairie, Tatan Raymonde pesait : les camions de fruits, pleins à l’aller, vides au retour (c’est là que j’ai compris le sens du verbe tarer) sur la grande bascule, les cochons ou autres bestioles sur la petite bascule qui servait également d’enclos à chien ou de cage à cousin filou.
Une année, Tonton Manu plaça un cirque. En compensation il eut le droit de récolter le crottin. Cet été-là nous mangeâmes avec circonspection des haricots de crottin d’éléphant, des tomates de crottin de giraphe et des salades de crottin de yack. Pas évident.
Juste en face du Poids public, second des lieux bénis de mes vacances ardéchoises, une autre verrue, accolée à la collégiale (classée également) nous accueillait souvent. La pompe à essence fonctionnait calmement, ce qui laissait le temps aux propriétaires de nous installer devant… leur télé en couleur ! Déjà que chez nous il n’y avait pas la télé, chez les cousins non plus, alors vous imaginez notre totale fascination pour cet objet surnaturel.
Qu’est-ce qu’on a pu rigoler, quelques années plus tard ! La télé en couleur c’était ça : on fixait sur l’écran une plaque de « plastique » dont le tiers haut était bleu et se fondait dans le vert du tiers médian, fondu à son tour dans le tiers inférieur marron… Pas beau Johnny-tête-bleue ?