Lettre à mon père (7)
A Baden-Baden, nous avions deux ‘ bonnes ’, dont celle que mon frère aîné apostrophait de ‘Du, Flasche !’ , ce qui n’est pas un compliment, mais plutôt l’expression d’une ironie quelque peu condescendante. Ce frère aîné qui, une seule fois, a reçu une gifle de son père, parce qu’il dictait au téléphone à un camarade de classe le texte latin d’un thème !… Cela se passait à la Pension Zink – notre premier hébergement en zone française d’occupation. Ce frère aîné que la mère de famille avait chargé de veiller sur moi (mais si !), une fois descendus sur la quai de la gare, à notre arrivée de France ; septembre 1946, j’approchais de mes deux ans.
Cette honnêteté, cette droiture, nous les avons perçues, mes frères et sœurs, et moi, comme cette formule de Luther : « Eine feste Burg ist unser Gott » Une forteresse – mais pas une forteresse vide, comme dit le psychanalyste ; d’ailleurs, ça n’existe pas une forteresse vide.
Droiture, sens du devoir – des qualités mues par ces convictions en marche dès l’adolescence. Mais peut-on agir seulement par sens du devoir, sans exemple, sans modèle aimant ? Et qui étaient-ils pour toi ? Où les avais-tu trouvés ? Voila une interrogation inattendue, mais qui s’impose – ou bien n’en éprouvais-tu pas le besoin ? Et la photo au Lycée de Riom n’est-elle pas suffisamment ‘ loquace’ ?
Est-ce moi qui ai bloqué le processus de la communication avec toi ? – De retour de Überlingen, été 1962, où je passais un mois à travailler au pair dans une ferme, mon père descend de son bureau, pour me faire parler de mon séjour au bord du Lac de Constance. Je donne quelque récit, concis – et l’envie de raconter avec MES mots se tarit. Tu remontes dans ton bureau.