Lettre à mon père (13)
Je ne te réponds pas, car je suis devant un monde dont j’ignore tout ; et parce que je ne peux enchaîner les mots simples, du genre : « Qu’est ce qui te fait dire ça ? ». J’apprécie le positif, mais dans le flou de ce que j’ignore de moi et du sujet. Objectivement : C’EST un compliment, et une marque d’estime. Mais j’oublie de clarifier.
Ce qui m’amène des années plus tard, lors de mon succès au CAPES (Concours national) : mes parents vivent alors au Vésinet, après que ma mère ait forcé mon père à vendre ce bel Auffargis, qu’il avait dépensé tant de forces à transformer. Je suis reçu dans un très bon rang, et tu me dis : « Il faut que je le dise à Paul-Henri ». Je comprends alors que tu es sensible à ma situation de fils souvent en difficulté face à un frère aîné brillant et totalement sûr de lui.
Ce frère à qui j’avais apporté six pots de miel d’Auvergne, sans jamais de retour ! Le miel, en guise de captatio benevolentiae ? La formule est de lui. Et la confrontation, qu’en fais-tu, Roland ? Mais elle serait nécessairement à mon désavantage ! Quand l’adversaire est trop fort, on le contourne !
Mais là, c’est mon second frère qui donne la réponse : il faut descendre la pente à ski, sans chuter – contrairement à l’aîné ! – Encore faut-il se trouver ensemble sur la même pente !
Dans ma solitude de Saint-Arnoult, je suis assis devant un bureau 8 tiroirs, avec plateau et plaque de verre biseautée – le bureau que tu as fait construire au Havre, ma ville de naissance.
Réussir au CAPES ce n’est pas rien, même des années plus tard il y a de quoi en être fier. Le frère aîné « brillant », le plus jeune n’a pas démérité pour autant. Il faut seulement croire en sa valeur qui ne se situe pas uniquement au degré des études mais au charisme de chacun. Votre façon d’écrire montre qu’en matière de charisme on peut vous faire confiance. Merci pour ce que vous nous apportez à nous simples lecteurs qui n’avons peut-être pas tous votre bagage intellectuel et merci pour votre manière si agréable de vous conter.