Lettre à mon père (15)
La Sorbonne, les sandwichs consommés seul sur un banc ; le cinéma au ‘Champo’, au lieu d’aller en cours ; le cours magistral de René Etiemble, spécialiste de Rimbaud. Tout cela après l’année de Propédeutique, dans les locaux près de la place de l’Odéon, assis près de cette jolie étudiante noire qui me ‘veut du bien’ – et que je n’irai pas retrouver.
Et les Travaux Dirigés dans un amphi des Arts & Métiers, sous la houlette d’un collègue de mon frère aîné, germaniste et Normalien, sous l’autorité de qui je fais un exposé sur un texte des Souffrances du jeune Werther – cette page de l’accord avec la nature – Werther est allongé au sol, en osmose avec le monde de la nature. L’auditoire apprécie ce terme d’ « adéquation « que reprend le Chargé de Cours. En fait, je suis, moi-même, en accord avec la germanité familiale ; mais je circule seul, cependant.
Et cette année-là, je n’utiliserai pas la lettre que me remet le psychiatre, connaissance de mes parents, et qui m’aurait amené, peut-être, à une thérapie plus tôt engagée. Quand on refuse de se voir, on refuse aussi de vivre avec les autres. Est-ce un hasard, si c’est Kafka qui m’a fait réussir si bien au Capes ? – Sois patient, lecteur, car j’écris à mon père – nous cheminons toute la vie avec nos disparus. Le cours de ma vie n’aurait-il pas été modifié, si j’avais été voir la thérapeute du Boulevard Saint-Germain ? – Oui, mais je n’étais pas prêt à vivre, alors.