Lettre à mon père (17)
La photo de Bérulle – celle des cinq – masque les difficultés plus tardives, celles qui culminent dans ce déjeuner au restaurant – mon père y avait convié Isabelle, ma femme, sans me le dire ; et je l’apprendrai le soir, Isabelle m’en ayant alors informé ! Pas d’écho de ma part, et surtout : aucune demande d’explication à mon père – simplement un sentiment de vide en moi, que je ne sais comment restaurer. Mon silence est-il une forme de protestation, ou bien le refus de la confrontation avec toi ? – Et la confrontation avec Isabelle, alors ?! – Solitude. Mais nous sommes responsables de notre solitude, nous-mêmes et personne d’autre ! Tu venais chercher auprès d’Isabelle les informations que je ne te donnais pas – ça, j’en suis à peu près sûr. Et mon silence formulait le refus d’un « risque « : celui d’échanger, de partager, avec mon père !
Observant mon fils aujourd’hui, lui qui sait partager avec son père – ou se confronter à lui, quelle privation j’avais pris l’habitude de m’imposer – Parce que je ne disposerais pas, moi, de compétences, de talents ? Rappelle-toi, lecteur, la parabole des Talents qu’il nous est interdit de laisser en friche, dit la psychanalyse jungienne.
Une autre photo nous montre, mon frère aîné et moi, lui posant une main protectrice sur l’épaule de son jeune frère – un relationnel qui sera remplacé plus tard par la distance des huit années de différence. Et par la conscience qu’il a de son intellect brillant. – Et la confrontation avec les yeux de jais, devant l’hôpital ? Nous l’avons évitée, l’un et l’autre.
Oui, Hélène, les trois fils apportent à leur père – Etonnante scène, mais oh combien parlante ! Merci – Roland