Lettre à mon père (19)
La référence à Kafka ? – Goûter la vie, c’est aussi savoir ce que l’on sait faire ; et pour cela, un père doit savoir ‘appeler’ son fils. Seulement voila, bien souvent, je n’ai pas su te répondre ; et un fils doit savoir écouter ses aînés, doit admettre leurs compétences, doit prendre plaisir à apprécier ce qu’ils savent, doit être capable d’admiration. MAIS il doit aussi savoir aller au contact physique, aimer les embrasser (prendre dans ses bras), avoir un geste d’amitié. Seulement voilà, dans ma famille, on est réservé, et ce sont les mots – parfois plus rudes que les gestes – qui servent à communiquer.
Et là, je me heurte aux universitaires brillants que je côtoie, et je me dis que je ne les vaux pas – disons plutôt que j’ai du mal à me ‘vendre’, à me faire valoir ; dans la conscience que j’en ai, en tous cas. Et mon côté ‘charmeur’ est un pis aller : captatio benevolentiae… disait mon frère aîné. Tu disais, toi : je te verrais bien dans la diplomatie. Une qualification plus positive que celle du premier né !
Un éternel sentimental, disait mon voisin de Bazoches. Pense à TON intérêt, pas au bien-être des autres, ou à l’admiration lointaine qui te fait te placer au second rang.
A mon mariage avec Isabelle, je dansais sans vergogne des rocks endiablés, et quand tu t’es approché pour me féliciter, je me suis écarté – mais POURQUOI ?! Parce qu’en présence de mon père (refaire le monde), je ne savais pas être moi-même – voila ! ETRE SOI-MÊME.