Lettre à mon père (4)
Que t’aurais-je dit, lors de ce voyage silencieux dans les Vosges, si j’en avais eu la force – l’envie, le désir de prendre à bras-le-corps cette question : mais qui es-tu ?, que me veux-tu ?, qu’as-tu à me donner ?, qu’as-tu à respecter chez moi ? Ce terrible nœud intérieur, cette glace en moi, comment les faire se dissoudre et fondre ?
En te disant que j’ai tant de regrets d’avoir quitté l’Allemagne, en vous reprochant, à ma mère et à toi, de m’avoir arraché à mon univers familier – cet univers des beaux paysages de la Forêt Noire, des mots allemands en ville, si naturels pour moi.
M’avez-vous associé à la décision de rentrer en France ?– Non ; il vous fallait prendre les décisions dans le secret de vos discussions – Mes souvenirs d’alors ? LA Mercedes décapotable, mon père au volant, coiffé de sa casquette blanche sportive, manifestant sa JOIE de conduire cette voiture –
Accumulant la mémoire, vais-je enfin comprendre ce qui s’est passé ? Ou PAS passé ! Et pourquoi –
Je te dois cette justice que tu as essayé plus d’une fois de dénouer le nœud – Te rappelles-tu le voyage en Moselle, quelques années plus tard ?