Lettre à mon père (10)
Parce que j’aborde des zones complexes, mon évocation se bloque. Se fixer un objectif, et le mener à terme…Par exemple, se lever tous les matins à 5 heures, au printemps, pour jardiner, prendre soin du potager, construire un poulailler, ramasser les poires et les pommes, au verger, faire la cueillette des reine-claude, cueillir les framboises, nettoyer les plants de pomme de terre des parasites, cueillir les haricots , en saison… C’était toi. Parce que rien de tel que les fruits de la terre ; ceux que la nature nous offre.
Quand je revenais un soir d’été de chez Isabelle, je trouvais plus d’une fois la porte donnant sur la cour fermée à clé, et je me disais, après avoir réveillé mon père, – mais ils savaient que je suis là ! C’est une manière de m’avoir déjà ‘évacué’, de m’oublier ? Je me ‘disais’, au lieu de le dire à mon père venu m’ouvrir. Et tu me tiens un ‘discours’, dont je me rappelle la phrase : « La réalité, ce n’est pas ce qui existe, c’est ce qui DEVRAIT ETRE » ! – A quoi te référais-tu donc ?
Je comprenais : au lieu de faire de la télé chez Isabelle, je devrais agir sur le monde, sur le monde social, pour le faire évoluer vers un objectif respectueux de l’humain. Voilà la coupure ! L’absence de réponse de ma part signifiait alors que nous étions déjà éloignés l’un de l’autre. Je venais de passer un moment dans les bras d’Isabelle – un moment jamais relaté à mon père ou à ma mère, car la forteresse consolidait ses murs ! Mais voyons, Papa, il fait « froid » dans notre maison ; j’ai besoin de chaleur humaine, de bonheur simple. Et je ne peux même pas te le dire !
En terminale au Lycée de Rambouillet, je marche à côté de mon père, et nous rencontrons Monsieur Hervé, mon prof. de philo.