Adeline nous gâte (merci pour cette belle histoire !)
« Il était une fois une jolie petite dame nommée Hortense. Dodue à souhait, avec de bonnes joues rouges comme des pommes d’Api, elle était toujours vêtue d’une blouse à fleurs percée et ravaudée. Elle vivait avec son mari Fernand dans une vieille maison qu’elle tenait de sa famille, qu’elle ne chauffait guère faute de moyens, mais qu’elle aimait pour la sagesse de ses vieux murs.
Elle adorait entretenir son potager et ses jardinières. Elle avait eu une longue vie, parsemée d’épreuves et de joies qu’elle avait traversées en s’occupant toujours du bien être de son entourage. Elle avait beaucoup travaillé, elle avait souffert, elle avait aimé, ri, pleuré, souri, pleuré encore, et finalement, elle avait trouvé l’art d’accueillir chaque minute de paix et de la savourer paisiblement. Sa bonne santé et l’amour de ses proches étaient ses trésors.
Ce matin-là, elle trouva par terre un billet de Loterie. Amusée, elle alla le porter au bar-tabac. Et là, surprise, elle se découvrit l’heureuse gagnante d’un bon millier d’euros ! Pas de quoi changer de vie, non, et de toute façon, pour quoi faire ? Ses plantes lui suffisaient, la main de son Fernand le soir sur le petit banc sous les rosiers, et le sourire de ses petits-enfants quand elle leur cuisinait une bonne tarte aux abricots.
Que faire de cet argent ? Elle décida de l’offrir à la première personne qu’elle croiserait.
Elle se mit donc en chemin et ne tarda pas à rencontrer un monsieur à l’air chagrin. Elle s’approcha de lui et commença à lui expliquer gentiment “Tenez, je vous donne ces mille euros, car…” mais le monsieur fit une sorte de bond en arrière et la regarda avec méfiance avant de s’éloigner en secouant la tête. Déçue, elle aborda une dame qui avait l’air très en colère. “Qu’est-ce qui vous arrive ?” demanda Hortense. “Pfff ! Non mais vous avez entendu la radio ? C’est un scandale, non mais vraiment, les politiques sont tous des pourris !” La dame s’éloigna à grands pas. Un peu plus loin Hortense tomba sur une jeune fille qui semblait totalement déprimée. “Eh bien, ma petite, que se passe-t-il ?” demanda Hortense. “Ben, c’est Jimmy, renifla la pauvrette. Il va être éliminé de Secret Story, un mec comme ça, vous vous rendez compte ?” Et elle se remit à tapoter frénétiquement sur son clavier de téléphone. Hortense tomba un peu plus loin sur un jeune homme qui semblait démoralisé ; son casque sur les oreilles, il regardait avec dégoût des cahiers chiffonnés posés sur un muret près de lui. “Ca va, mon petit ?” s’inquiéta Hortense. “Hein ? fit le jeune homme” “Ca va ?” répéta Hortense un peu plus fort. “Ouais, ben je vois pas comment ça pourrait aller. J’ai 11 de moyenne, et vu qu’il y a 25% de chômage chez les jeunes, j’aurai aucune chance de trouver du boulot. Pourquoi je devrais perdre mon temps à apprendre ?” Tristement, Hortense s’éloigna, et vit une jeune femme d’une trentaine d’années, bien habillée et maquillée avec soin, qui se rongeait les ongles, l’air très anxieux, en lisant un journal. “Je peux vous aider ?” dit gentiment Hortense. La jeune femme leva un oeil surpris et lui dit “Enfin, vous savez bien, les retraites vont encore baisser, comment on va s’en sortir ?” “Mais enfin, vous êtes toute jeune !” s’étonna Hortense. “Vous avez l’air en bonne santé !” “Et alors, je ne vois pas le rapport”, dit la dame en haussant les épaules. Et elle se replongea dans le journal.
Un peu découragée, Hortense s’assit sur un banc, à l’ombre d’un platane. C’est alors qu’un petit garçon vint s’asseoir à côté d’elle. Il reniflait en remontant sa jambe de pantalon sur un genou tout rouge. “Oh ! Mon pauvre petit bonhomme, tu es tombé” ? “Oui…” Où sont tes parents ? “Ils sont allés faire une course”. “Veux-tu que je te soigne ?” “oui, s’il te plaît”, dit le petit. “Je vais aller chercher un pansement”, dit Hortense. “Non”, dit le petit en tirant sur sa blouse. “Pas comme ça. Avec une histoire… Une chouette histoire qui finit bien ! C’est comme ça qu’elle fait maman !”
Alors, Hortense se rassit et sourit jusqu’aux oreilles. Elle raconta trois contes de fée au petit garçon, qui oublia sa douleur. Elle courut ensuite chez elle et lui rapporta un petit plant de tomate dans un pot en plastique. Emerveillé, le petit garçon se jeta contre son opulente poitrine, la serra dans ses bras et lui planta un gros bisou sur la joue. Enfin, le papa du petit garçon, sur le seuil d’une maison, appela son fils qui courut vers lui en riant. Le papa adressa un petit geste amical à Hortense, qui se sentit toute revigorée. Elle avait trouvé à quoi employer son argent.
Dès qu’elle fut de retour chez elle, elle téléphona à un artisan ferronnier qui était à la retraite depuis longtemps, et qu’elle connaissait depuis l’école maternelle. Elle lui passa commande de treize grandes et jolies lettres, et de quelques points d’exclamation…
Quelques temps plus tard, la maison d’Hortense se retrouva ornée d’une nouvelle décoration. Trente pour cent des gens qui la voyaient se prenaient à sourire, amusés, étonnés, et se mettaient à chercher dans leur vie, pour voir ce qu’il y avait de vrai… Et parmi eux, un tiers trouvait quelque chose qui justifiait l’inscription sur la maison d’Hortense. Et cela illuminait une minute, trois heures, ou toute leur journée.
“C’est déjà ça”, se dit Hortense en arrosant ses géraniums…
Il était une fois une jolie petite dame nommée Hortense. Dodue à souhait, avec de bonnes joues rouges comme des pommes d’Api, elle était toujours vêtue d’une blouse à fleurs percée et ravaudée. Elle vivait avec son mari Fernand dans une vieille maison qu’elle tenait de sa famille, qu’elle ne chauffait guère faute de moyens, mais qu’elle aimait pour la sagesse de ses vieux murs.
Elle adorait entretenir son potager et ses jardinières. Elle avait eu une longue vie, parsemée d’épreuves et de joies, qu’elle avait traversées en s’occupant toujours du bien être de son entourage. Elle avait beaucoup travaillé, elle avait souffert, elle avait aimé, ri, pleuré, souri, pleuré encore, et finalement, elle avait trouvé l’art d’accueillir chaque minute de paix et de la savourer paisiblement. Sa bonne santé et l’amour de ses proches étaient ses trésors.
Ce matin-là, elle trouva par terre un billet de Loterie. Amusée, elle alla le porter au bar-tabac. Et là, surprise, elle se découvrit l’heureuse gagnante d’un bon millier d’euros ! Pas de quoi changer de vie, non, et de toute façon, pour quoi faire ? Ses plantes lui suffisaient, la main de son Fernand le soir sur le petit banc sous les rosiers, et le sourire de ses petits-enfants quand elle leur cuisinait une bonne tarte aux abricots.
Que faire de cet argent ? Elle décida de l’offrir à la première personne qu’elle croiserait. Elle se mit donc en chemin et ne tarda pas à rencontrer un monsieur à l’air chagrin. Elle s’approcha de lui et commença à lui expliquer gentiment « Tenez, je vous donne ces mille euros, car… » mais le monsieur fit une sorte de bond en arrière et la regarda avec méfiance avant de s’éloigner en secouant la tête. Déçue, elle aborda une dame qui avait l’air très en colère. « Qu’est-ce qui vous arrive ? » demanda Hortense. « Pfff ! Non mais vous avez entendu la radio ? C’est un scandale, non mais vraiment, les politiques sont tous des pourris ! » La dame s’éloigna à grands pas. Un peu plus loin Hortense tomba sur une jeune fille qui semblait totalement déprimée. « Eh bien, ma petite, que se passe-t-il ? » demanda Hortense. « Ben, c’est Jimmy, renifla la pauvrette. Il va être éliminé de Secret Story, un mec comme ça, vous vous rendez compte ? » Et elle se remit à tapoter frénétiquement sur son clavier de téléphone. Hortense tomba un peu plus loin sur un jeune homme qui semblait démoralisé ; son casque sur les oreilles, il regardait avec dégoût des cahiers chiffonnés posés sur un muret près de lui. « Ca va, mon petit ? » s’inquiéta Hortense. « Hein ? fit le jeune homme » « Ca va ? » répéta Hortense un peu plus fort. « Ouais, ben je vois pas comment ça pourrait aller. J’ai 11 de moyenne, et vu qu’il y a 25% de chômage chez les jeunes, j’aurai aucune chance de trouver du boulot. Pourquoi je devrais perdre mon temps à apprendre ? » Tristement, Hortense s’éloigna, et vit une jeune femme d’une trentaine d’années, bien habillée et maquillée avec soin, qui se rongeait les ongles, l’air très anxieux, en lisant un journal. « Je peux vous aider ? » dit gentiment Hortense. La jeune femme leva un oeil surpris et lui dit « Enfin, vous savez bien, les retraites vont encore baisser, comment on va s’en sortir ? » « Mais enfin, vous êtes toute jeune ! » s’étonna Hortense. « Vous avez l’air en bonne santé ! » « Et alors, je ne vois pas le rapport », dit la dame en haussant les épaules. Et elle se replongea dans le journal. Un peu découragée, Hortense s’assit sur un banc, à l’ombre d’un platane. C’est alors qu’un petit garçon vint s’asseoir à côté d’elle. Il reniflait en remontant sa jambe de pantalon sur un genou tout rouge. « Oh ! Mon pauvre petit bonhomme, tu es tombé » ? « Oui… » Où sont tes parents ? « Ils sont allés faire une course ». « Veux-tu que je te soigne ? » « oui, s’il te plaît », dit le petit. « Je vais aller chercher un pansement », dit Hortense. « Non », dit le petit en tirant sur sa blouse. « Pas comme ça. Avec une histoire… Une chouette histoire qui finit bien ! C’est comme ça qu’elle fait maman ! » Alors, Hortense se rassit et sourit jusqu’aux oreilles. Elle raconta trois contes de fée au petit garçon, qui oublia sa douleur. Elle courut ensuite chez elle et lui rapporta un petit plant de tomate dans un pot en plastique. Emerveillé, le petit garçon se jeta contre son opulente poitrine, la serra dans ses bras et lui planta un gros bisou sur la joue. Enfin, le papa du petit garçon, sur le seuil d’une maison, appela son fils qui courut vers lui en riant. Le papa adressa un petit geste amical à Hortense, qui se sentit toute revigorée. Elle avait trouvé à quoi employer son argent.
Dès qu’elle fut de retour chez elle, elle téléphona à un artisan ferronnier qui était à la retraite depuis longtemps, et qu’elle connaissait depuis l’école maternelle. Elle lui passa commande de treize grandes et jolies lettres, et de quelques points d’exclamation…
Quelques temps plus tard, la maison d’Hortense se retrouva ornée d’une nouvelle décoration. Trente pour cent des gens qui la voyaient se prenaient à sourire, amusés, étonnés, et se mettaient à chercher dans leur vie, pour voir ce qu’il y avait de vrai… Et parmi eux, un tiers trouvait quelque chose qui justifiait l’inscription sur la maison d’Hortense. Et cela illuminait une minute, trois heures, ou toute leur journée.
« C’est déjà ça », se dit Hortense en arrosant ses géraniums…