à P.L.M. et D.L.M.
On serait en 1982 en Bretagne, on irait manger le midi chez Jean R. avec Madeleine. Le plus jeune d’entre nous sur le pas de la maison pour guetter L’Economique qui s’annonçait par un vigoureux coup de klaxon. On ferait alors le plein de galettes et de saucisses bretonnes que quand tu les grilles dans la cheminée tu en reprends illico une autre tant c’est bon. Sans oublier d’arroser le tout avec un P’tit Fausset de Merdrignac, le meilleur cidre du monde à l’époque. Et on serait heu-reux, tout simplement.
Force est de constater d’une fois sur l’autre que le camion de L’Economique est tellement bien agencé que tu peux quasiment demander n’importe quoi au marchand… il l’a ! Sinon tu commandes pour le prochain passage, culotte, livre, moutarde ou pâté de Collinée. Et puis en prime tu croises au camion les voisins et en avant pour les nouvelles !
Pendant ce temps le grand frère du petit bonhomme rigolard monté sur le pare-chocs de L’Economique vendrait des confitures de mûres sur le marché de Lamballe avec un couple de jeunes fermiers installés en bio au Tacon, et se ferait « plein » de sous. A peine rentré, il dirait « M’man, vite il faut aller en cueillir encore ! ». Et on repartirait à travers champs, la mère et les fils, munis de perches à crochets pour attraper les longues hampes de ronciers, de grandes gamelles à mûres, de gants et surtout de bottes, « y’a du vipère dans l’coin ! »
Et on rentrerait heureux comme des princes, gamelles pleines, joues et mains rouges de jus, griffés de partout malgré les gants, Helmoutte le chat qui suivait son monde partout… fourbu, et on se mettrait à peser les fruits et le sucre, ébouillanter les bocaux, cuire, touiller, faire les étiquettes, goûter et surtout mettre de côté sur une assiette plate la mousse rose trop bonne qui, une fois refroidie, se découpe en carrés de délices.